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Soutenir les start-up en Afrique : l’approche de Schneider Electric?

Publié le

Christophe Poline Directeur investissements solidaires Schneider Electric

Secteur Privé & Développement

Secteur Privé & Développement #29 - Financer les start-up pour construire les économies de demain en Afrique

La révolution du numérique, le défi du financement des start-up et l'essor du capital-risque en Afrique sont au cœur de cette revue Secteur privé & Développement qui se penche sur un secteur en pleine croissance avec un nouveau record en matière d'investissements enregistré en 2017.

En déployant une démarche commerciale adaptée aux besoins des populations, en pilotant deux fonds d’impact spécialisés qui privilégient l’innovation sociale et en soutenant la formation de compétences locales, Schneider Electric déploie en Afrique une stratégie basée sur le soutien à l’innovation.

L’Afrique comptera deux milliards d’habitants en 2050, soit un quart de la population mondiale, dont la moitié aura entre 15 et 30 ans. Le continent devra relever de nombreux défis, dont des défis d’ordre climatique et énergétique. En 2016, sur les 1,06 milliard de personnes n’ayant pas d’accès à l’électricité, plus de la moitié (588 millions) résidaient en Afrique subsaharienne (IEA, 2017). Ce chiffre pourrait atteindre 645 millions en 2030.   Espérer résoudre les problématiques énergétiques mondiales passe donc par une action spécifique sur le continent africain. Il faut augmenter la fourniture d’énergie, nécessaire à son développement, sans aggraver le réchauffement climatique – qui le touche déjà fortement. Pour cela, il faut à la fois développer les énergies renouvelables et déployer des solutions d’efficacité énergétique. Oeuvrer au développement d’une économie soutenable en Afrique en favorisant l’innovation permet en outre à Schneider Electric de se positionner sur un marché d’avenir. En soutenant des entrepreneurs locaux et en participant à l’essor de projets innovants, le Groupe cherche à se placer à la pointe de l’innovation sociale et technologique, tout en contribuant à l’émergence de nouveaux modèles économiques. Les objectifs de Schneider Electric en Afrique sont mis en oeuvre dans le cadre de son programme d’accès à l’énergie, qui comprend trois axes complémentaires. 

 

DÉVELOPPER UNE APPROCHE COMMERCIALE AUTOFINANCÉE

Schneider Electric commercialise, en Afrique, des produits et des solutions destinés en priorité aux populations rurales. Cette offre comprend des systèmes solaires individuels (lampes portables permettant la charge des téléphones), des solutions d’électrifications individuelles (systèmes solaires domestiques ou SHS) ou collectives (micro-centrales solaires décentralisées, pompage d’eau et lampadaires solaires) pour répondre aux besoins des foyers, des services publics et des entreprises. Le développement de cette partie commerciale des activités de Schneider en Afrique repose sur sa capacité d’autofinancement. Les marges commerciales sont calculées pour permettre de couvrir l’ensemble des coûts tout en assurant aux consommateurs un prix abordable. Ce volet inclusive business contribue également au déploiement des innovations grâce aux délais de paiement accordés qui permettent le préfinancement de pilotes ou la mise en place de réseaux de distribution.

 

SOUTENIR DES START-UP INNOVANTES VIA DES FONDS D’IMPACT

Pour soutenir l’innovation en Afrique, Schneider Electric a tout d’abord créé des outils permettant les financements d’impact. En 2009, le Groupe met ainsi en place l’un des tout premiers fonds d’impact porté par un groupe industriel, le Schneider Electric Energy Access (SEEA). Il poursuit en 2015 cette politique, avec la création de Energy Access Ventures (EAV), premier fonds d’impact associant un groupe industriel et des banques de développement (EIB, CDC Group, Proparco/FFEM, OFID, rejoints récemment par la FMO). Le fonds SEEA soutient des entreprises luttant contre la fracture énergétique en Europe, en Afrique, et désormais en Asie. Ce véhicule de sept millions d’euros accompagne aujourd’hui onze entreprises innovantes, le plus souvent en phase de lancement, et leur apporte un soutien financier et une assistance technique pour réussir leur passage à l’échelle. Le fonds EAV est, quant à lui, spécialisé dans l’accès à l’électricité en Afrique subsaharienne avec des moyens d’intervention beaucoup plus conséquents (75 millions d’euros), ce qui lui permet de contribuer au développement des six entreprises soutenues depuis sa création. Si l’innovation sociale guide le choix des projets soutenus par les fonds, leur dimension économique est bien entendu prise en compte. SEEA a par exemple été un des premiers investisseurs de Fenix International (encadré ci-dessous). Les fonds soutiennent aussi l’innovation technologique. Les entreprises financées ont par exemple été à la pointe du déploiement des modèles de « Pay-As-You-Go ». De nombreuses start-up cherchent à exploiter ces innovations ; la coopération entre des entreprises de télécommunications et des start-up de l’énergie, par exemple, permet aujourd’hui le paiement mobile, la micro-assurance ou encore l’accès à la météo pour les agriculteurs.

Fenix International

Cette société est aujourd’hui un des principaux acteurs sur le marché des systèmes solaires domestiques en Ouganda. Elle étend ses activités actuellement en Zambie et en Côte d’Ivoire. Fenix a un impact social considérable ; ainsi, plus de 100 000 systèmes solaires ont été vendus et bénéficient à un million de personnes, ce qui leur a permis « d’éviter » 8,8 millions de dollars de dépenses. Avec le rachat par Engie, Fenix va pouvoir poursuivre son développement. Le fonds SEEA a su jouer pour cette entreprise un rôle « d’accélérateur », en investissant au tout début du projet.

 

DÉVELOPPER LES COMPÉTENCES PAR LE SOUTIEN À LA FORMATION

Un programme de formation complète la stratégie de soutien à l’innovation en Afrique. Alors que seulement trois millions de jeunes Africains (sur 10 à 12 millions qui entrent chaque année sur le marché du travail) trouvent chaque année un emploi, les métiers du secteur de l’énergie leur offrent des débouchés stables. Pour combler le manque actuel de ressources et de compétences techniques au niveau local, la Fondation Schneider Electric soutient donc les acteurs de la formation professionnelle aux métiers de l’énergie et de l’entrepreneuriat : commercialisation, dimensionnement, installation, maintenance, opération des installations électriques. Ainsi, plus de 140 000 personnes ont été formées aux métiers de l’électricité et 950 entrepreneurs ont été accompagnés depuis la création du programme – l’objectif pour 2025 est de parvenir à un million de personnes formées et à 10 000 entrepreneurs accompagnés. 

 

L’INNOVATION EN AFRIQUE : QUELLES PERSPECTIVES ?

Au-delà du soutien à la formation et de l’action des fonds d’impact, Schneider Electric encourage, pour renforcer l’innovation en Afrique, de nouvelles stratégies et de nouvelles façons de travailler. Si les acteurs de l’accès à l’énergie localisaient par exemple leur production en Afrique plutôt qu’en Chine, le continent aurait de nouvelles sources de revenus, qui lui permettraient de renforcer son autonomie. Or, un développement soutenable du continent africain passe nécessairement par son autonomisation.

Par ailleurs, il faut privilégier l’entrepreneuriat social (où l’efficacité économique est mise au service d’une mission sociale), l’investissement d’impact (où l’on recherche aussi bien des rendements financiers que sociaux) et la formation, pour que des compétences locales puissent s’emparer des innovations technologiques. Enfin, il faut encourager le réinvestissement local des flux financiers. Aujourd’hui, les flux financiers issus des pays en développement et dirigés vers les pays industrialisés dépassent de loin les sommes consacrées à l’aide au développement. Depuis 1980, l’équivalent du PIB des États-Unis – soit 16,3 milliards de dollars (TheGuardian, 2017) – a circulé du Sud vers le Nord et les intérêts financiers liés aux dettes des pays du Sud pèsent 200 milliards de dollars par an. Que les investissements réalisés par les pays du Nord soient bénéfiques n’est pas remis en question ; mais certaines réformes pourraient toutefois permettre de rétablir un équilibre plus équitable pour l’Afrique, en incitant le réinvestissement local des flux financiers. Car le financement de l’innovation en Afrique – une nécessité eu égard aux enjeux évoqués précédemment – doit être également un financement de l’innovation pour l’Afrique.

 

REFERENCES

International Energy Agency, Energy Access Outlook, 2017.

Jason Hickel, Aid in reverse: how poor countries develop rich countries, The Guardian, 2017. Available on Internet: https://www.theguardian.com/global-developmentprofessionals-network/2017/jan/14/aid-in-reverse-how-poor-countriesdevelop-rich-countries