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Démocratiser l'accès à l'enseignement supérieur : l'exemple du Brésil
Publié le
Vitor Pini Responsable des relations Anhanguera

Secteur Privé & Développement #20 - Les acteurs privés, partenaires clés de l'éducation
Depuis le Forum mondial sur l’éducation de Dakar en 2000, des progrès considérables ont été réalisés dans l’accès à l’éducation, mais souvent au détriment de la qualité : classes surchargées, infrastructures vétustes, pénuries d’enseignants qualifiés, matériel pédagogique insuffisant...
Anhanguera fait partie d'une nouvelle génération d'établissements d'enseignement supérieur privés qui propose une éducation de qualité à prix abordable. C'est notamment grâce à la standardisation de son modèle et d'importantes économies d'échelle que le groupe peut offrir des tarifs accessibles pour les classes moyennes. En facilitant l'accès des jeunes à l'enseignement supérieur, il participe à la démocratisation de l'éducation au Brésil.
Deux employeurs brésiliens sur trois disent rencontrer des difficultés à recruter une main d'oeuvre qualifiée. Tous les secteurs sont concernés – du secteur de la construction civile aux nouvelles technologies, en passant par le marketing, la recherche et développement ou encore l'administration. La pénurie de travailleurs qualifiés grève la productivité et affaiblit l'économie brésilienne. Le système universitaire ne parvient pas, en effet, à produire les niveaux et les profils d'employés recherchés sur le marché du travail alors que la forte croissance économique brésilienne génère des besoins sans précédents.
Si l'enseignement supérieur était traditionnellement réservé à l'élite socio-économique du pays, d'importants efforts ont été engagés par l'État dans les années 1990 pour en élargir l'accès. De nouvelles universités publiques ont été créées et un programme de bourses d'études mis en place. Une modification fondamentale du cadre législatif brésilien a également autorisé, en 1997, les établissements d'enseignement privé à réaliser des bénéfices dans un marché jusque-là réservé au secteur non lucratif. Cette évolution a provoqué l'arrivée massive d'acteurs privés dans l'éducation supérieure, dont le nombre a quintuplé en seulement 10 ans. En 2011, on comptait 2 365 établissements privés contre 284 établissements publics.
Ces établissements ont joué un rôle important dans la démocratisation de l'éducation supérieure (Figure). Le nombre d'étudiants a fortement progressé (+ 91 %), tout comme l'enseignement à distance (+ 12 % entre 2011 et 2012). Aujourd'hui, les établissements privés du supérieur accueillent 73 % des étudiants. Comme l'accès aux universités publiques est verrouillé par des concours extrêmement sélectifs, ces nouveaux établissements viennent répondre aux aspirations d'une classe moyenne en pleine croissance, consciente de la valeur que représente un diplôme universitaire. Un jeune diplômé brésilien gagne en effet en moyenne trois fois plus qu'un étudiant ayant arrêté sa scolarité dans le secondaire (contre 1,7 fois aux États-Unis et 1,5 fois en France).
Malgré ces avancées, le taux de scolarisation dans l'éducation supérieure n'est, au Brésil, que de 7 % en moyenne (5 % dans les couches les plus populaires). Plus d'un million de jeunes qui ont terminé l'enseignement secondaire n'ont pas les revenus suffisants pour suivre des cours dans des institutions privées classiques.
Une offre éducative abordable
Anhanguera fait partie d'une nouvelle génération d'entreprises privées qui sont nées avec l'engagement de démocratiser l'accès à l'université. Le groupe, créé en 2003, a développé une offre d'enseignement supérieur privé dimensionnée pour les classes C et D¹ – 60 % de ses étudiants vivent avec un revenu mensuel moyen inférieur à 1 250 réaux brésiliens (environ 380 euros). Il propose des frais de scolarité abordables, habituellement inférieurs à ceux de la concurrence. Le format d'enseignement est également adapté au quotidien de ces étudiants issus des classes moyennes et populaires qui travaillent le plus souvent le jour et étudient la nuit. Par ailleurs, pour favoriser l'accès des plus défavorisés à l'enseignement privé, le groupe réserve 10 % des inscriptions à des étudiants boursiers dans le cadre du programme étatique « ProUni »² – qui leur permet de bénéficier en contrepartie d'une réduction d'impôts.
Ces tarifs attractifs sont rendus possibles par la standardisation de l'environnement éducatif (bâtiments et matériel) et par celle du contenu des programmes. D'importantes économies d'échelle peuvent être réalisées grâce à la taille du réseau d'Anhanguera et à un système de gestion centralisé. Les fonctions achat, gestion administrative et financière, ainsi que l'élaboration des programmes d'études de l'ensemble des centres sont regroupées au siège. Une équipe d'ingénierie supervise pour l'ensemble du groupe la construction des bâtiments et leur rénovation – permettant là aussi des économies dans l'achat des matériaux. Le recours au temps partiel pour les enseignants – qui représentent 70 % des dépenses du groupe – permet également de réduire les coûts opérationnels.
Une croissance planifiée et réussie
Le développement d'Anhanguera est symptomatique de l'essor d'un marché – celui de l'enseignement universitaire – et d'un contexte – le boom sans précédent de la classe moyenne. À l'origine, Anhanguera était une petite institution à but non lucratif basée à Leme, dans l'État de São Paulo, disposant de quatre centres d'enseignement et comptant 9 000 étudiants. En 2003, Anhanguera se transforme en société anonyme. Deux ans plus tard, le fonds Fundo de Educação para o Brasil (FEBR) créé par Patria Investimentos devient l'actionnaire majoritaire du groupe. Au-delà de l'investissement, l'entrée au capital de FEBR a engagé la société dans la mise en oeuvre d'une stratégie à long terme – planifiant le processus de croissance et d'expansion d'Anhanguera. Elle s'est aussi accompagnée d'un processus de professionnalisation et de normalisation des procédures opérationnelles et de gestion.
Au milieu des années 2000, de plus en plus de jeunes brésiliens ont commencé à avoir les moyens d'investir dans un diplôme sans pour autant trouver sur le marché une offre abordable. Il existait donc une forte demande à satisfaire et un potentiel de marché important pour Anhanguera. Pour soutenir la croissance du groupe, le fonds Patria n'était plus suffisant et le coût de la dette trop élevé. L'introduction en bourse est apparue comme le meilleur moyen de répondre aux importants besoins de financement d'Anhanguera. En 2007, le groupe a été la première institution d'enseignement supérieur d'Amérique latine à être introduite en bourse. Levant l'équivalent de 410 millions de dollars, il a pu croître rapidement – principalement en acquérant des universités existantes. Ce modèle de croissance « par acquisition » comporte plusieurs avantages par rapport à un développement orienté sur la création de nouvelles universités. Les établissements disposent déjà des autorisations administratives nécessaires³, les étudiants ont déjà été recrutés, l'entreprise génère un certain profit. L'enjeu est alors plus de changer le coût du modèle, d'améliorer l'efficacité et la qualité de l'offre éducative.
Anhanguera compte aujourd'hui 70 centres d'enseignement dans 9 États différents et accueille 441 000 élèves. La performance financière du groupe est reconnue sur les marchés. Cette reconnaissance est le résultat d'un développement réussi et un signe de l'attractivité nouvelle du marché auprès des investisseurs privés. Avec 26 millions de personnes âgées entre 18 et 24 ans, le marché brésilien de l'éducation supérieure pèserait en effet 17,6 milliards de réaux (environ 7 milliards de dollars) par an. Anhanguera a su tirer parti de ce contexte favorable mais aussi définir, organiser et réussir sa croissance – en associant un savoir-faire technique (porté par une équipe pédagogique) à un savoir-faire financier et organisationnel.
Un modèle de qualité normé et garant d'une image de marque
Anhanguera a beaucoup investi dans la qualité de son enseignement. Le contenu des cours est développé au niveau de la maison mère par une équipe de professionnels et répliqué dans tous les établissements du réseau. Les programmes, les matériaux scolaires et les procédures de fonctionnement sont les mêmes partout, quelques soient les modalités d'enseignement – en présentiel ou à distance. Cette stratégie permet, au-delà des bénéfices pour les élèves qui peuvent migrer d'un centre à un autre, d'introduire des normes de qualité identiques dans tout le groupe. C'est aussi la clé de la réussite de son développement rapide durant ces dernières années.
Pour maintenir ce niveau de qualité et faire évoluer ses formats d'enseignement, Anhanguera a instauré un dispositif complet d'évaluation. Des enquêtes internes – portant sur le contenu des cours, les infrastructures et les professeurs – sont réalisées pour identifier les manques dans le curriculum et les déficiences de fonctionnement. Les étudiants sont aussi régulièrement évalués. Une plateforme technologique permet, par ailleurs, d'identifier les étudiants en difficultés scolaires, qui peuvent ensuite bénéficier d'un accompagnement personnalisé dans la préparation de leurs diplômes.
La qualité de l'enseignement d'Anhanguera tient aussi à son modèle pédagogique orienté vers la pratique et à ses liens étroits avec le monde professionnel. Les curriculums sont définis en fonction des besoins identifiés sur le marché du travail. Par ailleurs, le corps professoral est composé à plus de 75 % par des intervenants extérieurs, issus du monde du travail. Ceci répond à la volonté de dispenser un enseignement plus pratique que théorique. D'ici dix ans, pour trouver un emploi qualifié, il ne suffira pas d'avoir un diplôme universitaire. La concurrence sur le marché du travail brésilien se fera à diplôme égal – ce sont donc la qualité de l'enseignement, l'image de marque de l'établissement et sa capacité à répondre aux besoins des entreprises qui feront la différence.
L'accès à l'éducation pour tous est une condition essentielle pour que le Brésil s'affirme comme une grande puissance. En donnant à des milliers de jeunes l'accès à l'enseignement supérieur, des groupes privés comme Anhanguera participent à la démocratisation de l'éducation. Leur rôle sera clé pour continuer à faire progresser la scolarisation dans le supérieur. Mais, pour qu'ils puissent pleinement exploiter ce potentiel de marché, il faudra que l'Etat poursuive ses efforts en faveur de l'éducation primaire et secondaire pour préparer en nombre et en qualité les étudiants à l'éducation supérieure.
Le défi de demain ne sera pas seulement d'accroître le nombre d'étudiants, mais de former – au-delà de simples étudiants – des travailleurs qualifiés répondant aux besoins du marché du travail. Pour faire face à ces défis, les établissements doivent disposer d'une équipe de management expérimentée, d'une équipe d'enseignants solide, de cursus en constante amélioration, d'un enseignement de qualité et d'investisseurs convaincus. Dans un environnement qui deviendra rapidement plus compétitif, ceux qui ne parviendraient pas à franchir ce saut qualitatif sont sans doute voués à l'échec.
REPÈRES - Société cotée en bourse, Anhanguera est un des groupes privés les plus importants du secteur de l'éducation au Brésil. Plus de 400 000 personnes sont inscrites dans ses 70 campus et plus de 500 centres d'enseignement à distance. Implantée dans tout le pays, la société propose plus de 90 formations universitaires de premier et deuxième cycle en commerce, comptabilité, droit, ingénierie et sciences sociales appliquées.
1 La classe C est la classe moyenne ; elle représentait 55% de la population brésilienne en 2011 et correspond à des revenus mensuels moyens compris entre 680 et 2 900 euros. La classe D est la classe populaire (20 % de la population) aux revenus mensuels moyens inférieurs à 680 euros.
2 Créé par l'État fédéral en 2004 et piloté par le ministère de l'Éducation, le programme « Université pour tous » (ProUni) offre des bourses aux étudiants brésiliens qui ne possèdent pas de diplôme d'études supérieures et qui souhaitent intégrer des établissements privés.
3 La création d'un nouveau centre universitaire nécessite en effet l'obtention d'une autorisation délivrée par le ministère de l'Éducation – qui n'est accordée que deux ans après le dépôt de la demande, période durant laquelle aucun étudiant ne peut s'inscrire.
Références
UNESCO-Institut de statistique, 2012. Recueil de données mondiales sur l'éducation 2012. Opportunités perdues : Impact du redoublement et du départ prématuré de l'école.